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Journées d’été de Montpellier : sortir du productivisme, décroissance, sobriété…

La « sobriété » est à l’ordre du jour. Façon de renommer l’impopulaire « décroissance » ou imposture idéologique du pouvoir ? Sobriété et décroissance, outils pour « Sortir du productivisme », sujet d’un des cinq débats organisés à Montpellier, les 23 et 24 août, pour les premières journées d’été de la Gauche écosocialiste.

Générer du profit, produire toujours plus, sont le « coeur du réacteur » du mode de production capitaliste. Le « productivisme », perçu comme demeurant une condition du Progrès, n’avait toutefois jamais été remise en cause par les socialismes qui prétendaient remplacer le capitalisme. Jusqu’à ce qu’en 1972, à l’apogée des Trente Glorieuses, période de croissance sans précédent des pays développés après la Seconde Guerre mondiale, le Rapport Meadows du Club de Rome interpelle sur les « limites de la croissance ».

André Gorz sera alors, pour un temps, aux avant-postes d’une critique de gauche du productivisme, intégrant les préoccupations écologiques majeures à une perspective anti-capitaliste : « Il est impossible d’éviter une catastrophe climatique sans rompre radicalement avec les méthodes et la logique économique qui y mènent depuis 150 ans. […] La décroissance est donc un impératif de survie. Mais elle suppose une autre économie, un autre style de vie, une autre civilisation, d’autres rapports sociaux. » (Gorz, Ecologica, 2008)

« Décroissance » : le mot est lâché. Les ressources étant limitées, l’idée d’une croissance illimitée est désormais impensable sans déboucher sur un effondrement. Mais comment décroître quand on ne peut pas satisfaire ses besoins vitaux (manger/boire, se vêtir, se soigner, se loger décemment) ? Le terme de « sobriété » se substitue peu à peu à celui de « décroissance ». Parce qu’il est mal perçu dans les classes populaires ? Pas seulement : si certaines activités, voraces en énergie, polluantes, ou génératrices de gaz à effet de serre, doivent décroître, d’autres doivent cesser, et d’autres encore, au service des « besoins », doivent croître.

Pour notre famille politique, la réponse doit être à la fois globale, sociale et internationaliste : la surconsommation des privilégiés doit diminuer drastiquement pour que les besoins essentiels du grand nombre restent assurés, au Nord comme au Sud. Comment en décide-t-on? Peut-on changer de système sans planification ? L’Etat doit-il en être l’initiateur et l’architecte ?

Laurent Garrouste (Gauche écosocialiste) résume ainsi la perspective politique : « La satisfaction écologique des besoins sociaux ». L’objectif dessine la stratégie : « Obtenir l’appui de la population et qu’elle soit l’acteur des transformations. »

Benjamin Lucas (Génération.s) introduit l’idée de l’imaginaire collectif : « La décroissance est un paradigme nouveau pour nous. La sortie du productivisme, c’est assumer un discours qui vise à ralentir. L’histoire entière de la gauche et des conquêtes sociales, c’est une conquête sur le temps : plus de temps pour le loisir, la culture… »

Martine Billard (Parti de gauche), qui dit assumer le terme « décroissance » mais publie un ouvrage intitulé « La sobriété, une impérieuse nécessité » (Editions 2031), pointe le fait que « la bourgeoisie a intérêt à renvoyer aux gestes individuels ». Or, que signifie par exemple la consigne de baisser son chauffage à 19° quand nombre de foyers ne peuvent même pas atteindre cette température minimale dans leurs logements-passoires thermiques ?

Globale, la réponse suppose que « quand on fait une proposition, on s’assure qu’elle a des conséquences secondaires supportables ». Internationaliste, elle impose qu’on « ne déplace pas sur le Sud nos problèmes écologiques ». Sociale, elle réclame de « trouver des solutions aux normes environnementales et sociales élevées ». Agir par « la réglementation, les lois et pas le signal-prix . Le débat, aujourd’hui, c’est la place de l’Etat… »

Impossible de rendre compte ici de la richesse des échanges fructueux qui ont suivi ces interventions (à réécouter avec le lien joint). Mentionnons que beaucoup de prises de parole ont tourné autour des notions de « besoins fondamentaux » (où s’arrête le fondamental ?) , de « planification » (elle se doit d’être démocratique) et du nouvel « imaginaire collectif » à dessiner pour que le changement de paradigme soit désirable et non astreignant ou punitif. Le chantier est largement ouvert…

Jacques Pasquet

• Voir la vidéo : Débat 2 : Comment sortir du productivisme ?

Voir l’ensemble des vidéos de l’édition 2022

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