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Violences sexistes et sexuelles : que nous apprend la séquence Quattenens ?

Le 13 septembre, le Canard Enchaîné révélait qu’une main courante – non une plainte – visant Adrien Quattenens a été déposée, le 7, au commissariat de Lille, par son épouse Céline, dans un contexte de « divorce difficile », pour « violences conjugales » (29 août, 2 septembre) et des « faits antérieurs » (une gifle, un an auparavant). Main courante transmise au Parquet de Lille, procédure normale. Une enquête judiciaire a ainsi été ouverte, pour soupçons de « violences par conjoint ». Céline Quattenens avait toutefois demandé que la main courante ne soit pas rendue publique. Demande non respectée. Adrien Quattenens étant député et surtout coordinateur de la France insoumise, l’affaire est politique et fait le tour des médias et réseaux sociaux.

Le 18 septembre, Quattenens communique sur Twitter, s’expliquant en détail sur les faits, qu’il ne nie pas, avant d’annoncer : « …J’en tire les conséquences politiques. Je me mets en retrait de ma fonction de coordinateur pour protéger le mouvement, ses militants… Si la justice souhaite m’entendre, je me tiens à sa disposition et lui réserve les éventuelles précisions supplémentaires… » (1) Aussitôt, Jean-Luc Mélenchon et les cadres de la FI communiquent à leur tour, de façon convergente, saluant « la dignité et le courage » d’Adrien Quattenens. JLM devra produire un communiqué rectificatif pour avoir une parole pour Céline Quattenens, avant que, dans une émission de France 2, une semaine plus tard, il lâche : « Une gifle est inacceptable dans tous les cas. »

Une cellule VSS, pour quoi faire ?

Trop tard. Le malaise est là. Et il va s’amplifier. Interrogée le 14 septembre, par Médiapart, Clémentine Autain avait déclaré : « …Cela nous pose à nouveau question sur la façon de prendre en considération ce type de faits dans nos mouvements politiques. » Manon Aubry, le 19 septembre, va aller plus loin, regrettant que « la commission de lutte contre les VSS de la FI n’a pas été saisie, c’est toute la difficulté ». Et elle ajoutera que les mots de Mélenchon « ne sont pas mes mots »…

Des militantes vont être encore plus précises. Ainsi, Leïla Mathias : « Pourquoi est-ce Quatennens, grand prince, qui annonce son retrait ? La cellule aurait pu décider de son retrait en attendant sanction, et cela aurait évité que Quatennens contrôle la narrative (…) Nous aurions pu/dû appeler à une saisie de la cellule VSS de la FI, qui aurait pu/dû préconiser des sanctions. Une phrase type — « le retrait d’A. Quatennens n’étant qu’une mesure préventive et ne saurait se substituer à une sanction politique, la cellule VSS se doit d’examiner les faits et envisager des sanctions potentielles » — aurait été la bienvenue. »

Certaines féministes iront jusqu’à demander un retrait total, c’est-à-dire sa démission en tant que député. Or, « un parti ne peut pas retirer son mandat à un élu.e députée : il ou elle est élu.e à titre personnel (…) La sanction peut être une suspension de ses responsabilités ou une exclusion. Si cette dernière est retenue, le ou la députée siègera dans le groupe des non-inscrit.es », relève à juste titre notre camarade Pascal Trochet (GES).

Quelle défense pour l’accusé ?

D’autres voix vont regretter qu’un « présumé coupable », quel que soit le degré de l’acte dénoncé, ne puisse venir se défendre, comme cela se fait déjà dans des instances d’entreprises. Si « la cellule VSS a pour objectif de «recueillir» la parole des femmes (…) autant que je sache, elle n’est pas un tribunal (encore heureux) », recadre une militante, Hélène Adam. A quoi Pierre Khalfa (GES) répondra : « Pas un tribunal ? C’en est un de fait puisqu’il prononce des sanctions, comme dans le cas de Taha Bouhafs. Et c’est un tribunal qui fonctionne de façon opaque, non contradictoire et sans possibilité de recours. Donc problème. De plus, il est, par nature, juge et partie, ce qui mine sa crédibilité. D’où ma proposition d’une instance indépendante. Le pire, la situation actuelle où on prétend s’en occuper, mais où on ne sait pas vraiment qui s’en occupe, et où il y a des traitements différenciés suivant la place des individus dans l’organisation. »

Distinguer cellule VSS et Justice

L’une des questions – et non des moindres, on le voit – que nous ayons à traiter, c’est de distinguer entre ce qui relève de la sanction politique interne et ce qui relève de la Justice. Chacun son rôle, même si nous estimons parfois à juste titre que sur ces questions, la Justice n’agit pas assez et pas assez vite ! Sans doute qu’une Charte commune à la NUPES serait un progrès… Du moins, la gauche tente-t-elle d’affronter la question des VSS au sein de ses organisations, même si c’est « à des années-lumière de #metoo ». A droite, Renaissance vient tout juste d’annoncer, ce 31 septembre, la création d’une cellule VSS (les cas Darmanin, accusé d’avoir profité de sa position dominante d’élu pour obtenir des faveurs sexuelles, Eric Dupond-Moretti, visé par une plainte pour « menaces et violences psychologiques » classée sans suite, ou encore Damien Abad, momentanément nommé ministre malgré un signalement pour des faits présumés de viols et toujours député, sont emblématiques d’un déni encore plus grand).

Impossible de conclure sur ces séquences qui seront hélas suivies par d’autres du même type. Une chose est sûre, comme le dit Sabrina Benmokhtar (Relève féministe) : « Il faut tirer les leçons de ces affaires. Il y a un gros ras-le-bol. On le sait entre militantes féministes de différents partis, on se dit des choses. On en a marre que, malgré les signalements, les agresseurs s’en sortent toujours plutôt bien au sein de nos mouvements. (…) Stop ! On ne laissera plus rien passer. »

Jacques Pasquet

(1) Adrien Quattenens a été entendu dans le cadre de l’enquête préliminaire, le 26 septembre. Céline Quattenens était retournée au commissariat de Lille pour une deuxième main courante, le 24, puis le 26, pour les « changer en plainte ». Le Parquet a communiqué : « Pour le bon déroulement de l’enquête, il apparaît indispensable que celle-ci se tienne à l’écart de la scène médiatique »…

Lettre de Caroline De Haas à JLM est à lire sur Médiapart.

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