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Sainte Soline : témoignage de la députée Marianne Maximi

Il m’a fallu quelques heures pour rédiger ce texte. Quelques heures pour digérer et tenter d’analyser ce que nous avons vécu hier à #SainteSoline. Dormir un peu malgré le bruit sourd des explosions qui se répète dans nos têtes. Dormir malgré les images de blessé·es, la peur sur les visages qui contrastait avec la joie du début de journée. La joie d’être ensemble, des dizaines de milliers à défiler pour ce bien commun et précieux qu’est l’eau.
Tôt le matin, nous nous sommes retrouvé à Vanzay pour le départ de la manifestation, des collectifs, la confédération paysanne, les partis politiques, les syndicats, des délégations internationales, des jeunes, des vieux, des familles… Toutes et tous sommes partis sur les chemins et à travers champs pour rejoindre la mega-bassine de Ste-Soline. Ambiance bon enfant, des chants, des fanfares, des slogans appelant à la convergence entre luttes sociales et luttes écologiques.
Arrivés sur site, nous découvrons la bassine fortifiée, défendue par 3200 gendarmes, des blindés. La préfecture annonce 6000 manifestant·es, ce qui selon ses chiffres donne un ratio d’un gendarme pour 2 manifestant·s. Un déploiement disproportionné pour protéger quoi ? Un trou grand comme le stade de France plein de vide ! Un coût financier hallucinant, et un bilan humain inacceptable.
En interdisant cette manifestation, Darmanin a créé les conditions de la violence et a mis en danger les manifestant·es, comme les forces de l’ordre censées protéger ce tas de terre. La préfecture annonce le tir de 4000 grenades pour une action qui a duré moins de 3h : ce qui fait un tir de grenade toutes les 3 secondes ! Que craignaient-ils ? Qu’on rebouche ce trou avec nos petites mains ?
Au bout de quelques minutes, les premier·es blessé·es par les tirs de grenades commencent a affluer du côté où nous étions, à distance de la bassine. Nous entendons « médics !médics ! » sans arrêt. Derrière nous s’organise une base arrière pour que s’effectuent les premiers soins.
La situation se dégrade avec le déploiement d’une sorte de BRAV M en quads. Ils nous contournent, vont et viennent sur les chemins, cherchent un accès. Nous comprenons qu’ils sont là pour disperser les milliers de manifestant·es qui restent à distance des explosions et des panaches de lacrymos. L’escadron s’élance dans le champ, au revers de la manif, et tire. Déluge de lacrymo, la manifestation disparait sous l’épais brouillard. Nous, les élu·es, décidons de former une chaine humaine pour protéger les blessé·es, certain·es dans un état grave ne sont pas transportables. Nous sommes identifiables, en écharpe, crions qu’il y a des blessé·es graves à évacuer.
Rien à faire, des grenades explosent à nos pieds, la lacrymo nous submerge. Là où nous étions personne ne représentait de menace : des médics affairés, en blanc, autour de corps allongés dans des couvertures de survie. S’en suit un moment de panique. Un étrange calme revient où l’on découvre l’ampleur des blessures, des plaies, des visages bandés. On nous communique qu’il y a des urgences vitales à prendre en charge et à évacuer mais que le SAMU a pour ordre de ne pas approcher, que les voitures ne peuvent pas accéder afin d’évacuer les blessé·es.
Des collègues appellent la préfecture, donnent les coordonnées GPS, les minutes semblent interminable. De l’autre côté de la bassine nous savons qu’un homme est entre la vie et la mort mais les secours n’arrivent pas. A côté de nous des dizaines et des dizaines de personnes arrivent, portés, hagards, qu’on tente d’évacuer par voiture. Certain·es ont des plaies très graves au visage, des fractures ouvertes.
A la base, interdire de manifester contre l’accaparement d’un bien commun est grave. Le point de vue des opposants aux bassines est solide, étayé, scientifiquement sourcé. Refuser cette expression est en soi problématique : l’utilisation des deniers publics ne peut être exclue de la discussion démocratique. Mais justifier par cette interdiction des moyens de répression démesurés, notoirement dangereux et décriés, puis refuser que les blessé·es aient accès aux soins, aux SAMU et pompiers, c’est un nouveau pallier que le ministère de l’Intérieur a franchi. Etre aux abois ne justifie pas tout.
Je réitère tout mon soutien à toutes celles et ceux qui aujourd’hui revendiquent et manifestent pour que la question de l’eau, bien commun vital, ne soit pas accaparée par les intérêts mercantiles d’un mode de production agricole intensif dépassé.
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